Un environnement numérique aussi performant que pénible

La numérisation des outils professionnels, si elle promet efficacité et mobilité, amplifie aussi la charge cognitive des collaborateurs. Processus mal pensés, interfaces peu ergonomiques, interruptions incessantes… autant de facteurs dont les effets impactent durablement la performance collective et la santé mentale. La charge mentale numérique est désormais reconnue comme un risque psychosocial à part entière .

Une intensification croissante du travail numérique

Les données de l'INSEE, OCDE, Banque de France montrent que l’informatisation du travail s’est accélérée entre 1994 et 2017, notamment dans les secteurs moyennement à hautement technologiques. Elle est corrélée à une intensification du rythme de travail pour environ un tiers des salariés en 2017.

En 2023, une enquête menée auprès de 1065 entreprises françaises révèle que l’emploi de spécialistes TIC en interne ou l’usage de technologies digitales comme le cloud améliore la productivité de travail d’environ 23 %, et la productivité globale de 17 %, mais à coût d’une réduction de la part du travail dans la valeur ajoutée.

Charge cognitive :
phénomène distinct de la charge de travail

Selon l’INRS et l’Organisation internationale pour la conscience numérique (OICN), la surcharge cognitive numérique — ou infobésité — résulte d’un flux ininterrompu de sollicitations (emails, messages instantanés, notifications), entraînant épuisement mental, fatigue et stress .

Concrètement :

  • 75 % des salariés associent une intensification de la charge de travail à la digitalisation

  • Les managers consacrent en moyenne plus de 6 heures hebdomadaires à la gestion des e‑mails ; les cadres dirigeants dépassent 10 h 30 en moyenne

  • Un salarié traite en moyenne 144 e-mails/semaine, un dirigeant jusqu’à 331

Les outils métiers comme déclencheurs systémiques de surcharge cognitive

Les outils numériques professionnels — plateformes collaboratives, CRM, ERP, logiciels RH, intranets ou outils métiers propriétaires — structurent une part croissante de l’activité quotidienne dans les entreprises. Or, nombre d’entre eux ont été pensés pour des logiques de pilotage ou d’ingénierie, rarement pour l’expérience d’usage réelle des collaborateurs. Le manque de cohérence des parcours, l’empilement de systèmes non intégrés, ou encore l’absence de hiérarchisation des informations, multiplient les micro-tensions cognitives. Comme le souligne une analyse de l’INRS, ces dispositifs peuvent engendrer une surcharge d’interactions, de sollicitations ou de procédures à faible valeur ajoutée, ce qui mobilise continuellement l’attention des salariés et altère leur efficacité globale (INRS, 2022, “Impact des outils numériques sur la charge mentale des salariés”). Les effets se cumulent alors en cascade : fatigue décisionnelle, erreurs de manipulation, baisse de concentration et sentiment de perte de contrôle sur son environnement de travail.

Récapitulatif des conséquences observées

Impact

Effet chiffré / qualitatif

Source

Perte de productivité

Jusqu’à 60 % du temps utile perdu (68 min/semaine par salarié)

Étude britannique 2019 

Stress & fatigue

Surcharge cognitive du fait des interruptions fréquentes

INRS / Recherche juridique Axel Pouet 2025

Risques psychosociaux

50 % des journées d’absence européenne attribués aux RPS

EU‑OSHA, RPS definitions 

Gains potentiels

jusqu’à +23 % de productivité pour les entreprises numériques avancées

Banque de France enquête 2018

Conséquences pour l’entreprise : leviers et responsabilités

Responsabilité de l’employeur

Selon l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur doit protéger la santé mentale des salariés. La charge mentale numérique étant un risque psychosocial avéré, l’employeur est légalement tenu de prendre des mesures de prévention.

Implications managériales

La surcharge cognitive doit être traitée comme un facteur de risque stratégique. Selon des audits ministériels récents, les managers jouent un rôle central dans la limitation des interruptions, le bon usage des outils et la culture de déconnexion.

Le rôle du design UX/UI dans la régulation de la charge cognitive

Le design d’un outil numérique professionnel ne se limite pas à son esthétique ou à sa conformité technique : il structure la façon dont les collaborateurs perçoivent, comprennent, et interagissent avec leurs tâches quotidiennes. Une interface mal conçue — par exemple trop dense, peu lisible ou non hiérarchisée — augmente significativement la charge cognitive extrinsèque, c’est-à-dire celle induite non par la complexité de la tâche elle-même, mais par la manière dont elle est médiée par le système informatique. À l’inverse, un design UX (User Experience) bien pensé, combiné à une interface UI (User Interface) claire, peut fluidifier les parcours utilisateurs, réduire le bruit informationnel et accroître la sensation de maîtrise des outils.

De nombreuses lois issues de l’ergonomie cognitive appuient ces principes. La loi de Hick montre que plus une interface propose d’options simultanées, plus elle ralentit la prise de décision. La loi de Fitts, elle, démontre que des cibles (boutons, champs, menus) mal dimensionnées ou éloignées complexifient l’exécution motrice, augmentant le taux d’erreur. D’autres effets psychocognitifs doivent aussi être pris en compte, comme la Peak-End Rule, selon laquelle les utilisateurs jugent globalement une expérience numérique sur la base de ses moments les plus intenses (positivement ou négativement) et de sa fin : une dernière impression confuse, ou une friction bloquante dans les étapes finales, peut suffire à dégrader la perception de tout un outil.

Ces lois, systématisées dans la recherche en ergonomie, s’appliquent pleinement aux environnements logiciels professionnels. Leur intégration dans la phase de conception permet non seulement d’éviter des effets de surcharge mentale invisibles à première vue, mais également de renforcer l’adoption, l’efficacité et la satisfaction des utilisateurs au quotidien. En ce sens, l’UX design devient un levier de santé organisationnelle autant qu’un facteur de performance. 

Vers une approche UX & ergonome intégrée

  • Observer l’usage réel sur poste de travail.

  • Appliquer les lois ergonomiques (Fitts, Hick, Peak‑End) pour prioriser les redesigns.

  • Tester les interfaces avec les utilisateurs.

  • Proposer des plans correctifs actionnables (quick wins, remaniements progressifs).

  • Mettre en place des indicateurs de suivi pour mesurer les effets à court et moyen terme.

Conclusion

Ces constats montrent que la qualité d’expérience utilisateur des outils métier ne peut plus être un sujet secondaire : elle est au cœur de la performance collective, du bien-être des collaborateurs et de la responsabilité légale de l’entreprise. Les chiffres démontrent que chaque friction cognitive mal gérée représente un coût réel et mesurable.

Chez Rework, nous proposons un accompagnement combinant :

  • audit UX terrain,

  • respect des lois ergonomiques validées,

  • restitution chiffrée,

  • plan d’actions concret pour transformer progressivement les interfaces métier en leviers de performance humaine.

Sources

  1. Banque de France, Alisse2, INSEE — « La charge mentale numérique comme risque psychosocial »

  2. Village de la Justice, Santé sur le Net — article « La charge mentale numérique : vers une obligation de sobriété professionnelle »

  3. INSEE — « Enquête sur l’intensification du travail numérique (1994-2017) »

  4. Banque de France — étude productivité liées aux TIC, 2023

  5. INRS & Organisation internationale pour la conscience numérique — « Impact des outils numériques sur la charge mentale des salariés »

  6. Santé sur le Net — rapport chiffres RPS et usage numérique

  7. Étude britannique 2019 – données productivité / temps perdu

  8. Recherche Axel Pouet, Juridique INRS, 2025 — interruptions & fatigue mentale

  9. EU-OSHA — définitions officiels des RPS, indicateurs d’absence

  10. Banque de France — enquête 2018 sur entreprises numériques avancées

  11. Code du travail, article L4121-1 — obligation de l’employeur de protéger la santé mentale

  12. Audits ministériels, rapports sectoriels — rôle managérial dans la réduction des risques numériques

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